Situation actuelle
Un assujetti dispose actuellement du choix d’intégrer ou non la partie privée d’un bien d’investissement à usage mixte dans son entreprise. Dès lors qu’il opte pour l’intégration totale du bien dans son entreprise, il a en principe le droit de déduire immédiatement et intégralement la TVA versée en amont lors de son acquisition, mais sera néanmoins tenu de corriger la déduction opérée initialement par la constatation d’une opération assimilée à une prestation de services imposable.
Ainsi, une entreprise qui fait construire un immeuble avec TVA peut déduire immédiatement et intégralement la TVA grevant cette construction. L’utilisation privée subséquente de cet immeuble par son dirigeant sera, elle, considérée comme une prestation de service taxée.
La même règle est applicable aux biens d’investissement meubles (téléphone, voiture, ordinateur, etc.). Par souci de simplification, l’administration admet que le montant de l’avantage de toute nature retenu en matière d’impôts directs dans le chef de l’utilisateur dudit bien représente le montant des dépenses engagées. La TVA est donc due sur cet avantage de toute nature.
Projet de loi
L’administration n’a jamais apprécié l’utilisation de ce mécanisme par les entreprises. Elle considère le gain de trésorerie résultant du fractionnement de la TVA dans le temps comme étant constitutif d’un avantage fiscal non négligeable par rapport à une non-déduction immédiate de la TVA sur la partie privée.
Un projet de loi vient d’être déposé à la Chambre visant à limiter à partir du 1er janvier 2011 la déduction initiale à la seule partie professionnelle du bien. Fort logiquement, plus aucune TVA ne sera due sur l’utilisation privée ultérieure du bien. Cela vaut tant pour les biens d’investissement immeubles que pour les biens d’investissement meubles (téléphone, voiture, ordinateur, etc.).
Ainsi, une entreprise qui fait construire un immeuble avec TVA ne pourra plus déduire immédiatement et intégralement la TVA grevant cette construction mais devra limiter la déduction à la seule partie professionnelle. L’utilisation privée subséquente de cet immeuble par son dirigeant ne sera par contre plus taxée. La même règle sera applicable aux biens d’investissement meubles. La déduction de la TVA devra être limitée lors de l’achat. Par contre, plus aucune TVA ne sera due sur l’avantage de toute nature.
Gardons à l’esprit que ce nouveau régime n’est applicable qu’aux biens et services qui sont considérés comme des biens d’investissement au sens de la TVA. Ne rentrent donc pas dans cette catégorie les biens pris en leasing pour lesquels la règle actuelle demeurera inchangée. Le nouveau régime ne s’appliquera pas non plus aux biens d’investissement qui sont mis à la disposition du gérant ou des membres du personnel moyennant une contribution financière de ces derniers pour l’utilisation privée.
Vers des difficultés pratiques d’application ?
Les nouvelles règles entreront en vigueur au 1er janvier 2011. Elles ne seront pas sans soulever de réelles difficultés pratiques d’application :
- Que faire des biens d’investissement acquis par une entreprise avant le 1er janvier 2011? Personne ne sait si, au 1er janvier 2011, cette entreprise devra opérer une révision de la TVA déduite antérieurement ou continuer à déclarer un avantage de toute nature d’un même montant.
- Comment déterminer l’utilisation privée d’un bien? Ce qui paraît relativement facile pour les biens immeubles l’est nettement moins pour les biens meubles (téléphone, voiture, ordinateur, etc.). Il s’imposera d’identifier la quotité privée spécialement pour la TVA de façon individuelle, au cas par cas, pour chaque membre du personnel.
-
La TVA grevant l’achat d’une voiture est déjà limitée actuellement à 50% par le Code TVA. A partir du 1er janvier 2011, l’entreprise ne pourra plus déduire la TVA qu’à concurrence de la part professionnelle d’utilisation du véhicule. Il n’est dès lors pas exclu que certains contrôleurs TVA veuillent infliger (à tort selon nous) une double limitation (c’est-à-dire 50% multiplié par la proportion d’utilisation professionnelle).
A l’heure actuelle, l’administration n’a pas encore communiqué sur le sujet. Il s’agit pourtant de nouvelles règles qui auront un impact sur pratiquement toutes les entreprises en Belgique.
Voir également : Alain Soriano & Philippe Noirhomme, « Ordinateur, GSM et voitures : plus de TVA sur les avantages de toute nature ?», Actualités Fiscales, N° , Novembre 2010